Copyright © 2019 par Georges-Albert Puyou de Pouvourville (Matgioi) Léon Champrenaud

(Théophane) (domaine public)

Edition 2019 : Books on Demand GmbH, 12/14, Rond-Point des Champs-Elysées, 75008 Paris (France)

Impression : Books on Demand GmbH, Norderstedt (Allemagne).

ISBN : 9782322193462

Dépôt légal : septembre 2019

Tous droits réservés

IMPRIMATUR

Vous avez, mes très chers et très vaillants Coopérateurs, avec un zèle apostolique qui m’emplit toute l’âme d’une douce joie, retrempé notre chère Gnose aux sources orientales, qui sont sa véritable origine, et, par ainsi, complété Valentin par Wen-Wang et commenté les divins mystères du Tau par les enseignements sacrés du Tao.

Grâce à votre labeur, se parachève l’œuvre jadis commencée par S. G. Valentin II et continuée par S. G. Sophronius, et la radieuse unité gnostique s’affirme enfin en pleine beauté et en souveraine grandeur.

Vous avez victorieusement combattu ces déplorables tendances vers l’individualisme qui sont la perdition de toutes les églises comme de tous les états. Vous avez longuement, pieusement, dévotement médité dans la pénombre de l’opisthodome, sans demander d’autre récompense que celle qui vient de la conscience, et vous livrez maintenant aux Parfaites et aux Parfaits ces pages rayonnantes de la Lumière de vérité, sans les signer autrement que de vos noms mystiques, qui sont et qui demeureront à jamais un secret pour les agnostes.

Je déplore amèrement tous ces essais de restauration ecclésiale, quels que soient leur nom ou leur credo, qui semblent n’avoir eu pour principal objectif que de faire du bruit autour de personnalités altérées de réclame. Le théorbe et les cymbales sont faits pour s’unir aux voix pieuses qui, dans le temple, célèbrent la gloire du divin PLÉRÔME, et non pour porter aux échos de l’avenir l’état civil d’une individualité !

Çà et là vous avez, sur les choses qui ne doivent pas être dites ouvertement aux foules – panis non mittendus canibus – laissé flotter à dessein un voile demi-opaque, demi-transparent, qui ne saurait être levé que dans les profondeurs de l’Adytus initiatique, où s’enseigne ce que le grand Plotin appelle τὸ βάθος τῆς νοητῆς οὐσίας.

Et je vous en congratule sans réserve.

Il est digne, juste et salutaire, au moment où s’accomplit cette agonie des anciens dieux, pleine d’infinie tristesse, dont parle Anatole France, où s’effondre, dans la poussière du chemin, l’échafaudage vermoulu des doctrines individualistes et des religions jéhovistes, où l’athéisme tente d’instaurer sur leurs ruines sa sinistre désolation plus affreuse encore que l’enfer de la théologie, il est digne, juste et salutaire de crier urbi et orbi qu’il est une tradition qui ne saurait mourir, à qui d’ailleurs toutes celles qui ont vécu jusqu’à présent ont emprunté leurs éléments de vitalité, et que cette tradition s’appelle la sainte Gnose.

Je termine, très chers et très vaillants Coopérateurs, en confirmant en cette page l’IMPRIMATUR que je vous ai depuis longtemps donné de la voix et du cœur.

Écrit en notre tente apostolique de Montségur, le XIVe jour du XIIe mois de la XVIIe année de la restauration de la Gnose.

SYNÉSIUS,

Patriarche de l’Église Gnostique de France.

AVERTISSEMENT

On sait ce que fut, dans la suite des temps, l’enseignement gnostique. On sait aussi comment après un silence et un recueillement prolongés, les gnostiques, vers 1880, ont recommencé à agir et à se réunir. Mais la rénovation d’un enseignement, comme l’enseignement gnostique, qui comprend une doctrine, une liturgie, un rite, une esthétique, ne peut se faire que par la reconstitution de sa philosophie traditionnelle.

De sérieux efforts ont, depuis longtemps, été faits en ce sens. Et, après plusieurs années d’un travail assidu, auquel coopérèrent les meilleurs esprits, l’enseignement gnostique se trouve aujourd’hui complet et reconstitué. Sous une forme malléable, et qui s’accommode aux temps présents et à l’évolution des tendances générales de l’humanité, cet enseignement est issu de la source traditionnelle la plus pure et la plus ancienne ; et l’on peut considérer qu’il est le résumé fidèle de tout ce qui a été découvert et indiqué par les maîtres gnostiques de toutes les époques.

Nous présentons ici les bases de cet enseignement. Nous précisons tout d’abord qu’elles ne renferment rien de secret au sens littéral du mot, mais que cet enseignement a un sens occulte complet, que comprendront seuls ceux qui s’attacheront profondément aux études gnostiques. Ainsi, les travaux qui suivent sont nécessaires pour entrer dans la compréhension des symboles et dans l’intellection des arcanes.

Nous précisons aussi que l’enseignement de la Gnose, tel qu’il est présenté ici, est revêtu d’un caractère officiel, et que tous ceux qui désirent faire partie des centres initiatiques gnostiques devront justifier de la connaissance des matières que nous traitons ici. Ce n’est que par la suite qu’ils seront admis à l’étude des choses qui ne s’écrivent point, et pour lesquelles les choses que nous écrivons sont une introduction indispensable.

S.T

Sommaire

Chapitre I

Les Ténèbres Extérieures

La Gnose est, au premier chef, une doctrine traditionnelle et d’éléments constitutifs cosmogoniques et métaphysiques. Mais elle est aussi une doctrine pratique, en ce sens qu’elle veut influencer les hommes, et les guider vers ce qu’elle sait être leur but final et excellent, à travers des transformations multiples. C’est pourquoi, sans rien négliger de la hauteur de ses conceptions, la Gnose saisit l’homme, non pas dans son origine lointaine et ignorée, ni dans la source de sa personnalité ; mais elle le prend tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire dans l’état d’ignorance relative et de diminution générale, où nous le présentent ses passions et l’hérédité de nombreuses générations.

En cet état, l’homme nous apparaît dans les « ténèbres extérieures » des Évangiles, et séparé, par ces ténèbres mêmes, de son origine et de sa fin, qui est Dieu. Le but immédiat du présent enseignement est d’éclaircir ces ténèbres, et de guider l’homme vers la lumière, « qui est Dieu même, en lequel il n’y a point de ténèbres ». (Jean, ép. Ire, § 5.)

Et d’abord, que sont ces ténèbres extérieures ? Au point de vue cosmogonique, c’est le chaos informe qui suit la création non organisée, et le symbolisme initiatique le représente par la pierre brute1. Au point de vue métaphysique, c’est l’impuissance de l’action par ignorance de l’Activité, ou Cause Première ; et le symbolisme initiatique la représente par la couleur noire. Pour l’humanité, c’est l’inconscience même de l’agnosticisme, et le symbolisme en est un flambeau tourné en sens inverse. Pour l’individu, c’est son état particulier avant qu’il ait pu avoir l’idée de rechercher la lumière, et, dans le symbolisme, cet état correspond à la Nudité.

Le Chaos cosmique est l’ensemble des diversités formelles en puissance, et l’état de la matière susceptible de la limite, mais avant qu’elle en soit bornée. Le noir, ou manque de couleur, correspond au chaos, ou manque de formes. La pierre brute, qui est considérée comme informelle parce qu’elle n’a point de dimensions régulières et mathématiques, devient, aussitôt que l’ouvrier la considère, l’occasion et le lieu du travail futur.

Le chaos intellectuel ou humain est l’ensemble obscur des notions inertes, et l’état des perceptions sentimentales, dû à l’influence des contingences extérieures, avant que les passions individuelles l’aient précisé dans chaque homme. Il est donc évident que l’aspirant gnostique, pour échapper à ce chaos, doit « dépouiller le vieil homme ». Et sa nudité, qui est considérée comme l’image de sa vacuité intellectuelle, devient, aussitôt qu’il aspire à la vérité, l’occasion et le lieu du vêtement de lumière que tisseront ses propres efforts.

Cet état chaotique, au plan cosmique comme au plan humain, une fois existant, existerait toujours, si la conscience obscure de la présence de la Divinité, qui est une Activité éternelle, n’eût tendu à faire évoluer toutes choses hors de leur chaos.

Où fut prise cette conscience ? Écoutons la Genèse : « Aux premiers jours, la terre était informe et nue, et l’Esprit se mouvait sur les eaux. » La terre informe et nue est précisément le chaos dont les éléments inorganisés sont incapables de toute compréhension, et a fortiori de celle de l’Esprit. C’est pourquoi l’Esprit ne se meut pas dans le chaos ; il se meut au-dessus des eaux, c’est-à-dire au-dessus d’un plan de réflexion, agissant à la façon d’un miroir, sur lequel l’image renversée du mouvement de l’esprit se révèle au chaos. — Cette révélation produit immédiatement le Fiat Lux.

Dans le chaos cosmique, le Fiat Lux se traduit par la vibration lumineuse capable de déterminer les formes.

Dans le chaos humain, le Fiat Lux se traduit par la vibration sentimentale capable d’engendrer le désir de sortir de l’agnosticisme.

Cette action vibratoire se symbolise, dans la gnose rituelle, par la Lanterne sourde, dont l’unique rayon, encore caché à la vision directe de l’homme, ne se révèle à lui que par la lumière réfléchie sur les choses extérieures : et c’est ainsi que le chaos est, pour la première fois, pénétré par la Lumière.

L’action réflexe du miroir des eaux a donc projeté sur la matière et dans les êtres un Rayon Céleste, lequel s’y trouve en quelque sorte emprisonné, puisqu’il est indispensable à l’organisation de l’Univers. Tous les efforts des parfaits doivent donc tendre, en se sublimisant eux-mêmes, à délivrer ce Rayon Céleste, et à le restituer au foyer divin dont il est sorti. — C’est d’ailleurs ce Rayon Céleste qui constitue l’élément supérieur non incarné de l’homme, et lui sert de guide à travers les phases de l’évolution universelle. Ainsi il conduit les êtres vers leur fin, et il les aide dans le travail de sa propre délivrance.

Une excellente parabole de la valeur et de l’utilisation du Rayon a été faite par lord Byron dans le mythe de la caverne de Childe-Harold. Le héros, ayant au poing la Lumière divine, qui s’émeut et paraît s’éteindre à tous les vents qui font rage dans la caverne — c’est-à-dire qui s’atténue sous la fureur des passions humaines, maîtresses de Childe-Harold — sait qu’il ne la possède que pour une certaine durée, — c’est-à-dire que pour le temps de la vie humaine. À travers mille détours, il pénètre au fond du labyrinthe, dans la sombre impasse où il doit choisir lui-même, entre trois urnes, celle qui contient son destin. Quand il atteint enfin le but, la lumière vacillante, consumée par sa propre faute avant l’heure prescrite, s’éteint, et le laisse dans les ténèbres. De ses mains tremblantes et désormais aveugles, il choisit au hasard ; il se trompe, et meurt dans un héroïque et court désespoir.

Ainsi, porteur du divin flambeau, se heurtant aux contingences, aux embûches de l’extérieur et à ses propres passions, l’homme dilapide, en s’amusant sur la route, le trésor de lumière qui temporairement lui fut confié. Et, quand il lui faut s’en servir, au moment fatal du choix de la connaissance, il s’aperçoit que le flambeau s’éteint, ou plutôt2 que ses yeux, obscurcis par ses volontaires erreurs et ses vaines sentimentalités, ne sont plus capables d’en soutenir l’éclat. Lui aussi, il choisit au hasard, et passe peut-être à côté de son destin.

Retenons donc que le Rayon Céleste peut nous conduire à notre fin, mais qu’il ne nous y conduira certainement que si nous le voulons d’une volonté ferme. Et connaissons ainsi que nous sont dictés les moyens de notre ascèse et de notre libération.

Quels sont les moyens de cette ascèse ? Nous pouvons les déterminer grâce à la lueur, indécise et trouble, mais de source divine, que produit, dans le chaos humain, la réflexion du Rayon Céleste à travers le miroir des Eaux. Le chaos humain comporte, — puisque l’être humain est ainsi fait — un plasma intellectuel et un plasma sentimental : ces plasmas, emprisonnés dans la matière chaotique originaire, forment bien avec elle les éléments du composé ternaire humain.

La réflexion du Rayon Céleste, frappant le plasma intellectuel, produit une vibration de même ordre, qui est la vibration volontaire; frappant le plasma sentimental, elle produit aussi une vibration de même ordre, qui est la vibration de désir. — Or, d’après leur nature et la position respective de leurs plans, le désir s’applique à où la volonté le pousse ; c’est ainsi que la vibration de volonté est le propre des êtres actifs, et que la vibration de désir est le propre des êtres passifs.

La volonté et le désir, voilà les moyens d’ascèse mis à la disposition des êtres ; et ils sont provoqués chez eux, et la connaissance leur en est révélée par le Rayon Céleste, dont cette ascèse doit hâter la réintégration.